Susceptibilités à sens unique

Publié le par Veritas

La visite du Pape en Turquie a donné lieu une nouvelle fois à des commentaires stupéfiants dans les colonnes de nos journaux ou lors des reportages télévisés. Des journalistes, des intellectuels, des personnalités musulmanes, n'ont cessé de nous dire que les musulmans avaient été offensés par le discours de Benoît XVI à Ratisbonne en septembre de cette année. Que les musulmans étaient blessés, en colère etc... Que le Pape ferait bien de profiter de ce voyage pour s'excuser, pour renouer les fils du dialogue avec le monde musulman. Cela amène de ma part trois réflexions :

- Comment se fait-il que les mêmes n'exigent jamais d'excuses de la part des musulmans ? A t-on entendu dans les médias des journalistes, des intellectuels, des religieux musulmans ou chrétiens appeler les musulmans à s'excuser après les attentats du 11 septembre ? Non. Après ceux de Madrid ou de Londres ? Non. Après l'assassinat d'un prêtre en Turquie ou d'une religieuse en Somalie en 2006 ? Non. Pour les discours antisémites ou antichrétiens tenus par des imams ou des intellectuels dans les médias du monde musulman ? Non. Etc..., etc... Il semble que la repentance soit à sens unique. Il semble que seuls les musulmans peuvent se sentir blessés, en colère, offensés. Pourtant le sort lamentable réservé aux minorités chrétiennes en terre d'islam ne prête-il pas matière à des excuses, à la légitime colère des chrétiens ? Faut-il que ces derniers, à l'instar des musulmans, brûlent des ambassades, des édifices sacrés ou assassinent des religieux pour les obtenir ? Il serait temps de comprendre que la base de l'amitié, de la concorde, de la compréhension, du dialogue entre les civilisations c'est la réciprocité.

- Pour une Turquie que nos médias ne cessent de nous présenter comme laïque, afin de nous vendre son adhésion à l'Union européenne, il est étonnant de constater à l'occasion de la visite papale à quel point l'appartenance des Turcs à la religion musulmane semble être aussi fondamentale. En effet, l'hostilité à la visite du Pape, qui traverse toutes les couches de la société turque, a principalement pour dénominateur commun la défense de l'islam, prétendument insulté par Benoît XVI. La mise en avant, par les Turcs eux-mêmes, de leur identité musulmane vient contredire d'une manière éclatante tous les discours naïfs, sur la prétendue laïcisation en profondeur de la société turque, des partisans de l'adhésion de ce pays à l'Union européenne. 

- Le Premier ministre turc a finalement pu rencontrer le Pape durant...dix minutes, en catimini, dans l'aéroport d'Ankara. Pour cette insulte diplomatique on remarquera qu'il ne vient à l'idée de personne que les chrétiens puissent s'estimer blessés. On peut également remarquer que pour celui qui se présente comme l'un des champions du dialogue entre l'Occident et le monde musulman (voir mon article http://limes.over-blog.com/article-4596643.html), sa conception de ce dialogue est pour le moins original. Mais faut-il s'en étonner ? Après tout l'islamiste Recep Tayyip Erdogan est le Premier ministre d'un pays qui a détruit 300 églises à Chypre, qui refuse de reconnaître un génocide, qui opprime ses minorités culturelles ou religieuses. Mais chuuuut il pourrait venir à l'idée de certains de demander aux musulmans turcs de présenter leur excuses. Quelle inconvenance se serait. 

Publié dans L'esprit de Münich

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