Les bloggeurs n'ont pas de leçons à recevoir

Publié le par Veritas

J'ai de nombreuses fois dénoncé sur mon blog les erreurs, les manipulations ou les mensonges publiés dans le journal français "Le Monde". S'agit-il de ma part d'un acharnement ? Non. Il se trouve simplement que ce quotidien est présenté par le microcosme intellectuel parisien comme LE quotidien de référence. S'est donc lui que j'ai choisi pour illustrer les dérapages des médias français. Or dans son édition du 04 janvier deux propos m'interpellent à nouveau et me donne une nouvelle fois l'occasion de taper sur les doigts de journalistes trop prétentieux.

Dans la page débat est publiée une intervention de Jean-Pierre Elkabbach, président d'Europe 1, intitulée "Quel journalisme à l'ère du Web ?". On peut y lire ceci :

"Le Web 2.0 cacophonique, mal intégré, peut amener une intolérable confusion entre l'information, la communication et l'opinion. Un formidable bond en arrière (...) La profusion de faits ou d'opinions approximatives crée parfois la confusion...et une menace pour la démocratie que nous ne pouvons accepter. Certaines chaînes de télévision américaines ont, par exemple, jugé inutile d'envoyer des journalistes en Irak pendant la seconde guerre du Golfe. Elles ont préféré relayer les informations des blogs tenus par des soldats américains et diffuser leurs images. C'est ce que mon confrère David Remnick du New Yorker considère à juste titre comme de la propagande...L'information, elle, ne souffre pas l'à-peu-près. Le journalisme est un métier : il ne consiste pas à ramasser les contenus que d'autres ont bien voulu produire (...) Plus que jamais, c'est le traitement et l'honnêteté de l'information qui font la différence."

Je vais revenir sur les termes soulignés de la prose de Jean-Pierre Elkabbach mais avant tout je tiens à dire qu'un journaliste comme Elkabbach, qui appelle Nicolas Sarkozy pour lui demander conseil pour la nomination d'un journaliste politique sur Europe 1, vienne nous parler de déontologie, c'est somme toute assez comique.* Passons...

La prise de position de Jean-Pierre Elkabbach traduit en vérité la grande peur de la corporation des journalistes de métier. Celle de voir leur influence réduite à néant. Jusqu'à l'avènement d'internet et des blogs, les citoyens pour accéder à l'information n'avaient pas le choix. Ils devaient absolument passer par le filtre des intermédiaires : les journalistes. Avec internet et les blogs ce temps est révolu. Le citoyen peut se faire sa propre opinion, accéder directement à l'information. Pire, il peut même être son propre journaliste et faire partager son opinion au plus grand nombre. Quelle corporation verrait d'un bon oeil une telle révolution, une telle perte d'influence ? La réaction des journalistes de métier n'est donc pas anormal. Mais plutôt que de se remettre en question, un grand nombre d'entre eux préfèrent tirer à boulet rouge sur le web et les bloggeurs.

Dans cette offensive la corporation trouve souvent l'appui des politiques qui, à l'inverse des journalistes avec lesquels ils entretiennent des relations plus qu'étroites, n'exercent aucun contrôle sur les bloggeurs qui manifestent à l'égard du pouvoir politique une réelle indépendance. Sur le web la collusion n'est pas de mise. L'exemple le plus frappant fut celui du référendum sur la Constitution européenne. Alors que l'écrasante majorité des journalistes firent docilement campagne pour le oui, les bloggeurs firent preuve d'une grande diversité d'opinion. Les partisans du oui comme du non purent s'y affronter librement et y trouver des arguments contradictoires. Le résultat, 55 % pour le non, traduisit une défiance sensible à l'égard d'un pouvoir journalistique incapable de prendre ses distances avec le pouvoir politique et d'offir le minimum de pluralité d'opinion que l'on est en droit d'attendre dans une société démocratique.

Mais revenons sur les propos de Jean-Pierre Elkabbach publiés dans "Le Monde". Dans le même numéro, en page 2 nous avons un éditorial qui porte sur l'ETA, l'organisation terroriste basque. L'éditorial du monde ce n'est pas n'importe quoi. Il est l'oeuvre d'un journaliste confirmé, qui en général occupe une position importante au sein de la rédaction. Il marque également l'opinion de cette rédaction sur la question abordée. Il fait donc l'objet d'un soin tout particulier. Or que peut-on lire dans cet éditorial ? :

"...en commettant samedi un attentat mortel à Madrid. Un de plus : l'ETA est responsable de plus de huit mille morts depuis 1968..."

Non messieurs, l'ETA n'est pas responsable de plus de huit mille morts mais de plus de huit cent morts. Quelle erreur !!! Oui monsieur Jean-Pierre Elkabbach a raison. L'approximation, la confusion sont une menace pour la démocratie. Et la propagande est tout le contraire de l'honnêteté de l'information. Mais cela ne se passe pas sur le web ou sur un blog mais dans "Le Monde" en date du 04 janvier 2007 en page 2 de son éditorial.

Jean-Pierre Elkabbach affirme que le journalisme est un métier. C'est bien là qu'est le drame. Il tend à ne devenir que cela : un métier, une rente de situation ou l'absence de risque vis-à-vis du politiquement correct est son corollaire. Où est la passion ? Où est la vocation. La politique également est devenue un métier. On voit où cela nous a mené depuis 25 ans. J'ai certainement fait preuve de prétention en titrant : "Les bloggeurs n'ont pas de leçons à recevoir". Tout pouvoir doit accepter de se remettre en cause. Mais de grâce, ce n'est certainement pas à Jean-Pierre elkabbach ou à la rédaction du "Monde" de se faire les hérauts d'une critique de l'information sur la toile.

* En février 2006, Elkabbach avoue publiquement avoir demandé conseil à Nicolas Sarkozy pour choisir le journaliste politique suivant le ministre de l'intérieur.

Publié dans Désinformation

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